lundi 29 novembre 2010

Premières victoires...

Première victoire d'enseignante, je me souviens pourquoi j'ai choisi ce métier... Une de mes élèves prenaient des cours de français pour se préparer à l'entretien pour Québec. Normalement, c'est une préparation qui se fait en minimum six mois (il faut d'abord parler un minimum français bien sûr, puis bien préparer les questions spécifiques). Je commence les cours avec Elida alors qu'elle ne parle pas un mot de français; puis au bout de trois mois elle m'annonce qu'elle a obtenu sa date d'entretien... dans trois semaines! Nous venons tout juste de finir le Tout va bien!1, et nous n'avons pas encore commencé à préparer l'entretien à proprement parler, ça ressemble bien à une Mission Impossible. Ma responsable et moi sommes d'accord, non seulement elle n'a pas le niveau, mais en plus sa timidité extrême ne facilite rien, c'est triste à dire mais on voit mal comment ça pourrait bien se passer. Nous travaillons donc en intensif (14 heures de cours particuliers par semaine pendant trois semaines), et je la laisse, la veille du jour J, la boule au ventre. Jusqu'au coup de téléphone tant attendu, où Elida m'annonce qu'elle est acceptée, qu'elle a le visa!!!!! Une fierté immense m'envahit, sa victoire c'est un peu aussi la mienne, d'une certaine manière, et cette fierté, et ce bonheur sont ma plus belle récompense jusque maintenant. Et puisqu'un heureux évènement n'arrive jamais seule, une autre de mes élèves que je préparais au Delf B2 et qui a passé son examen la semaine dernière, m'a appellé au sortir de l'examen pour m'annoncer que ça lui avait paru facile, et qu'elle était contente d'elle. Nous attendons les résultats (qui devraient arriver dans deux mois, pourquoi c'est si long??), mais elle semble confiante...
Je sais pourquoi j'aime enseigner!

jeudi 4 novembre 2010

Rentabilité et FLE, quand les mélanges ne font pas bon ménage...

Et si je ne suis pas d'accord? Et si moi, ce n'est pas comme ça que je vois l'enseignement? Quand la rentabilité se confronte à l'enseignement, ça fait parfois des étincelles. Je vous l'ai dit, je n'assure pour l'instant que des cours particuliers, et la plupart de mes apprenants sont ici dans un objectif extrêmement pragmatique: réussir à valider l'entretien proposé par le Ministère de l'Immigration du Québec pour stimuler une immigration positive. Pour cet entretien il faut: bien entendu savoir parler français, mais aussi savoir répondre à toutes les questions classiques sur les motivations, le parcours universitaire et professionnel, et surtout les raisons pour lesquelles le candidat est le meilleur des candidats, que ce sera lui le plus fort, le plus motivé... Donc pour cet entretien, il faut aller vite, très vite dans le manuel, il faut aussi étudier et décortiquer toutes ces questions, il faut savoir parler des valeurs et coutumes du pays d'accueil et les comparer à celles du pays d'origine. Et c'est là qu'intervient cette ombre menaçante, ce mot sur lequel je vomis, qui me débecte et contre lequel je me bats: RENTABILITE. Après une grosse remise en question (du genre je suis la plus nulle des profs, pourquoi j'ai choisi ce boulot, je m'en sortirai jamais...), je demande à ma responsable de venir observer un de mes cours et de me dire ce qu'elle en pense. Pas de bol, le cours qu'elle vient observer est d'une heure (ce qui est très très très court), et mon élève n'a pas fait les devoirs que je lui avais demandé. Or si cette règle du pronom COI n'est pas intégrée et automatisée par les exercices prévus, alors à quoi bon continuer? C'est peut-être stupide, mais voilà, parfois, je ne lâche pas l'affaire. Donc, qu'est-ce qu'on fait? Ben écoute, on les fait ensemble ces exercices, et puis voilà!! Sauf que mon élève est du genre très appliqué, il prend son temps pour répondre, il mesure chacun de ses mots pour ne pas faire d'erreurs, et cet exercice à priori plutôt rapide s'étale en longueur, prend son temps, plus de temps que prévu, sûrement, mais moi l'enseignante je suis plutôt contente; mon élève à la fin de cet exercice a compris, je le sais, et il ne fera pas d'erreurs, et voilà un point sur lequel nous n'aurons plus besoin de nous étaler. Bon, alors je l'accorde, un cours à moitié bouffé par un point de grammaire c'est pas très funky funky. Certes, passons. On continue, c'est l'heure de commencer ma leçon préférée, celle qui parle de la bouffe. Manger c'est ma passion (comme quoi certains rêves sont accessibles n'est-ce pas?), alors cette leçon je la soigne aux petits oignons. J'ai des milliers d'activités ludiques et amusantes, comme par exemple prétendre la cécité dans un des marchés aux multiples couleurs de la ville d'Arequipa, et hop, nous y voilà, on révise: l'impératif, la situation dans l'espace, le lexique de la nourriture. Seulement voilà, cet exercice ne doit et ne peut être mis en place qu'après avoir abordé le lexique de base des aliments, on est d'accord. J'ai pas encore la solution miracle, et parfois il faut bien en recourir au cours magistral, bêtement et simplement. C'est donc ce qu'on doit faire pour le début de cette leçon. Je m'aide quand même du manuel (petite compréhension orale), et pour simplifier un peu la tâche j'insiste sur les correspondances avec l'espagnol. Première écoute; je suis appliquée, je me souviens de mes cours de M1; compréhension globale: je note au tableau Qui parle? Où sont-ils? Que font-ils? Quelle est leur relation? Sont-ils amis, de la même famille? (Le dialogue met en scène une mère et sa fille qui font leurs courses au supermarché). Première écoute donc, et mon élève ne comprend pas tout. On décortique ensemble les informations les plus importantes, on s'aide de l'image du livre pour mieux comprendre le thème abordé par la leçon, et ça y est, c'est déjà l'heure de la fin du cours, et oui! Résumons: sur un cours d'une heure on a eu le temps de:
- automatiser un point de grammaire appris précédemment
- introduire le thème de la leçon qui suit.
Ok, c'est pas beaucoup, et en plus c'est pas très diversifié.Mais pour moi cette heure de cours n'est pas un échec total.
Voici maintenant venue l'heure fatidique: le retour sur la leçon. Un certain nombre de points abordés par ma responsable sont, j'en suis parfaitement consciente, à retravailler. Pas assez de diversité dans les exercices, une tendance a l'éparpillation (je suis bavarde, que voulez-vous), une attitude peut-être trop statique (quoique pour un cours de cet acabit gesticuler dans la salle me paraît peu necessaire)... Mais un point sur lequel je ne suis pas, mais alors pas du tout d accord, c'est sur le rythme d apprentissage. Il faudrait donc que mon élève parle plus vite, peu importe s'il fait des erreurs, pour développer sa fluidite? Mais non! Ce qu'il apprend il l'apprend bien, et ça c'est valorisant pour lui comme pour moi. Il faudrait donc que je recourre plus à l'espagnol pour simplifier les explications grammaticales?? J'ai pour ma part appris l'espagnol en immersion lors de mon année en Bolivie, je serais bien à mal d'expliquer la moindre regle de grammaire de cette langue, mais je sais, par réaction quasi pavlovienne maintenant, que telle phrase est correcte et que telle autre ne l'est pas. Alors mon etudiant je vais lui verser un raz de marée de francais dans les oreilles, en prenant mon temps, et les résultats se verront, je le jure.
Parce qu'apprendre une langue ce n'est pas uniquement savoir répondre a des questions sans saveur et sans âme lors d'un entretien, carajo!
Enseignement et rentabilité, je me souviens de vos cours Madame Tellier, mais la rentabilité ne peut et ne doit pas être vue comme vertu capitale, n'est-ce pas?
NB: Pour précision, je m'entends très bien avec ma responsable, nous sommes très amies, il ne s'agit dans ce billet que de réflexions sur l'approche pédagogique, que l'on s'entende...